jeudi 12 décembre 2019

Grade 2 : les Fables - kalila wa dimna


Pour cet article, je vais faire simple, et partager une des fables sur lesquelles nous avons travaillé l'an dernier lors du 2e grade (l'équivalent du CE1) de mon aînée. 

Pour ce bloc sur les fables nous avons travaillé en partie sur certaines fables des 1001 nuits, les contes du Perroquet, ainsi que sur le Kalila wa Dimna, sans oublier Esope et Jean de La Fontaine. 


Pour le kalila wa dimna j'ai utilisé les traductions de André Miquel. 

إبن المقفع، عبد هللا ABDALLAH, MUQAFFA- AL IBN Kalila et Dimna : Fables choisies / Abdallah Ibn al Muqaffa. Trad. : André Miquel. كليلة و دمنة/ Alani Ghani : Calligraphie Paris : Ipomée- Albin Michel / IMA, 1997. - 54 p. : ill. en coul. ; 29 x 23 cm. 
Ce très bel ouvrage bilingue rassemble 9 fables et leur traduction française. Le texte arabe est superbement calligraphié à la main et il est illustré par de magnifiques enluminures extraites d’un manuscrit syrien du 12ème siècle.

IBN AL-MUQAFFA’, ABD ALLAH / MIQUEL, ANDRE (TRAD.) Le livre de Kalila et Dimna / [traduit du sanscrit par] Abd Allāh Ibn Al-Muqaffa' ; traduit de l'arabe par André Miquel Paris : Orients / Klincksieck, 2012. – 1 vol. (255 p.) : ill. en coul., couv. ill. en coul. ; 25 cm. Voici la réédition de la superbe traduction d'André Miquel du Livre de Kalila et Dimna, enrichie de magnifiques peintures provenant d'un manuscrit arabe du XIVème s.

André Miquel, La Fontaine à Bagdad, Fables arabes d'Ibn al-Muqaffa', illustrations de Baya, Orients Editions, 2015, 103 p. 

Nacer Khemir, L'Alphabet des sables, Editions Syros, 2006, 50 p.

Je ne saurais vous conseiller un livre en particulier, j'ai aimé les trois d'A. Miquel (et je garde celui de Nacer Khemir pour l'apprentissage de l'alphabet arabe). Le premier a l'avantage d'être bilingue, donc excellent pour les enfants bilingues ou pour les parents qui souhaiteraient leur lire en arabe. Le second est un très beau livre tant d'un point de vu de l'écriture que des illustrations, lesquelles appartiennent aussi à un héritage  qu'il convient de transmettre aux enfants. Quant au dernier, il est aussi le résultat d'un passionné, André Miquel, qui "traduit" le kalila dans le langage de La Fontaine.
https://www.imarabe.org/fr/rencontres-debats/andre-miquel-passeur-de-savoirs-et-de-cultures 


Je commencerai par la fable suivante : 


Le lièvre et l'éléphant




Extrait de La Fontaine à Bagdad
[...] 

Un pays peuplé d'éléphants
Fut frappé, des années durant, 
D'une terrible sécheresse.
L'eau devint rare et puis tarit.
Les bêtes, en pleine détresse, 
Et de soif presque anéanties, 
Allèrent se plaindre à leur roi,
Qui de tous côtés envoya
Des éclaireurs, avec mission
De découvrir quelque point d'eau.
L'un d'eux réapparut bientôt, 
Annonçant qu'en telle région,
Il avait trouvé dans sa course
Une abondante et belle source :
C'était la source de la Lune.
Heureux de leur bonne fortune, 
Le Roi et les siens s'en allèrent
A la source et s'y abreuvèrent.
Des lièvres vivaient là. Leurs gîtes écrasés,
Et nombre d'entre eux morts, ils dirent à leur roi :
"Tu vois le mal que ces intrus nous ont causé :
Avant qu'ils ne nous tuent, tous, la prochaine fois, 
Cherchons quelque expédient : qu'ils ne reviennent pas !"
Le roi dit : "Que tous ceux qui sont gens d'expérience
Me donne leur avis !" Un lièvre s'avança,
Connu du roi pour son jugement et sa science :
"Ô roi, dit-il, j'irai, avec ta mission, 
Là-bas, chez eux, en me faisant accompagner
Du plus sûr d'entre nous, qui pourra témoigner
De ma façon d'agir, au cours de ma mission."
Le roi répondit : " A toi je me fie, 
Je t'écouterai, suivrai tes avis. 
Va chez les éléphants, dis-leur les mots
qui te sembleront le mieux à propos.
Déploie ce talent et cet art de faire
Que l'on te connaît, et souviens-toi bien
Qu'on peut toujours juger un souverain
Au talent montré par ses émissaires.
Et rappelle-toi encore ceci :
Un messager apaise les esprits
Quand il les traite avec tact et douceur;
Sot et brutal, il les mets en fureur."
La lune était au firmament
Quand le lièvre se mit en route
Pour le pays des éléphants. 
Mais une fois là, il redoute
Que, même sans le faire exprès, 
Ils ne l'écrasent sous leurs pattes. 
Alors, prenant quelque retrait,
Vers un monticule il se hâte, 
Appelle par son nom le roi
Et lui dit : "La lune m'envoie.
Ne blâme pas son messager, 
Même s'il a son franc-parler."
Le roi des éléphants demanda : " Ton message, 
Quel est-il? - Quand le fort, grisé par sa puissance
Qui le fait sur le faible asseoir son avantage, 
Perd la tête et défie plus fort qu'il ne le pense, 
Il  le paiera très cher. Ainsi parle la lune, 
C'est elle, écoute-la, car ma voix, c'est sa voix :
"Si jamais je surprends ces bêtes importunes
A venir troubler l'eau, cette eau qui est à moi, 
Cette source qui porte mon nom, je te tue,
Mais je t'aurai, auparavant, ôté la vue. 
Si tu ne crois à ce que dit mon messager, 
A la source viens-t'en : je t'y retrouverai."
Le roi des éléphants, abasourdi, 
Suit le lièvre à la source, et aussitôt
Voit le reflet de la lune dans l'eau. 
Le lièvre dit : "Lorsque tu auras pris
De ta trompe un peu d'eau, tu laveras
Ta face, et puis tu te prosterneras."
L'éléphant obéit, se résout à plonger
Sa trompe dans la source, il voit l'eau s'animer
Et s'écrie : "Pourquoi donc la lune bouge-t-elle ?
Aurait-elle motif à me chercher querelle, 
Et l'aurai-je fâchée en goûtant à son eau ?
-C'est cela même, dit le lièvre. Allons, il faut 
Te prosterner." Alors, à genoux, l'éléphant, 
Reconnaissant les faits, honteux et repentant, 
Jura que lui ni ses sujets
A la source ne reviendraient. 



Extrait du livre bilingue

Le lièvre et l'éléphant
On raconte, commença le corbeau, qu'en un pays où vivaient des éléphants des années de sécheresse se succédèrent, rendant la terre stérile et l'eau rare; les sources tarirent et une soif intense accabla les bêtes. Elles allèrent se plaindre à leur roi qui lança un peu partout ses envoyés et ses éclaireurs à la recherche de l'eau. 
L'un d'entre eux annonça à son retour qu'il avait trouvé quelque part une source abondante appelée Source de la Lune. Et le roi des éléphants partit en compagnie de ses sujets pour s'y abreuver. L'endroit était peuplé de lièvres dont les éléphants piétinèrent les gîtes, tuant la plupart d'entre eux. Les survivants allèrent tous ensemble trouver leur roi et lui dire :
"Tu sais quel sort nous ont réservé les éléphants; trouve un moyen de nous tirer d'affaire avant qu'ils reviennent nous faire du mal. Car, en revenant s'abreuver, ils nous feraient périr jusqu'au dernier. 
-Que tous ceux qui sont gens avisés m'assistent de leurs conseils, répondit le roi."
Un lièvre nommé Firouz et connu du roi pour son savoir et sa finesse s'avança et dit : 
"Le roi, s'il le juge bon, n'a qu'à m'envoyer auprès des éléphants en me faisant accompagner par quelqu'un de sûr qui verrait comment j'agirais, entendrait ce que je dirais et en rendrait compte à son souverain. 
- J'ai confiance en toi, répondit le roi, me range à tes avis et crois en tes paroles. Va-t'en donc trouver les éléphants, dis-leur de ma part ce que bon te semblera, déploie toute ta finesse, car, sache-le, c'est au tact et au savoir-vivre d'un messager qu'on juge l'intelligence et même, dans son ensemble, la personnalité de celui qui l'envoie. Montre-toi souple et accommodant : un message apaise les esprits quand il sait agir en douceur, il les irrite quand il est maladroit. "
Une nuit que la lune montait au firmament, le lièvre se mit en route et parvint à l'endroit qu'occupaient les éléphants. Mais comme ceux-ci pouvaient, même involontairement, l'écraser sous leurs pattes, Firouz ne voulut point s'approcher d'eux. Il monta sur une éminence et appelant par son nom le roi des éléphants lui dit :
"C'est la lune qui m'envoie vers toi. Il ne faut pas blâmer, même s'il tient un langage brutal, un messager qui accomplit sa mission.
-Et quel est ton message ? demanda le roi des éléphants ?
- Voici ce que te dit la lune : quand, sûr de cette puissance qui lui fait dominer le faible, le fort se laisse aveugler au point de s'en prendre aux forts, sa vigueur risque de lui causer bien des malheurs et des désagréments. Comme tu es sûr de ta force et de ta supériorité sur les petites bêtes, tu t'es laissé aveugler et n'as pas fait attention à moi; vous êtes venus, tes pareils et toi, à cette source qui porte mon nom, vous en avez bu et troublé l'eau. Je viens donc t'avertir que, si tu touches à la source, je te rendrai aveugle et t'ôterai la vie. Et si tu ne crois pas au message que je te fais tenir, viens donc tout de suite à la source : je t'y retrouverai."
Fort étonné des paroles de Firouz, le roi des éléphants l'accompagna jusqu'à la source, regarda et vit le reflet de la lune dans l'eau. 
"Prends un peu d'eau dans ta trompe, lui dit Firouz, lave-toi la face et prosterne-toi devant la lune."
Quand l'éléphant, docile, plongea sa trompe dans l'eau, celle-ci bougea et parut s'animer. 
"Qu'a donc la lune, demanda-t-il au lièvre, pour s'agiter de la sorte? Penses-tu qu'elle soit fâchée de me voir goûter à son eau ?
-C'est cela même, répondit Firouz. Allons, prosterne-toi."
Et l'éléphant, s'agenouillant et se repentant de ce qu'il avait fait, promit que ni lui ni aucun de ses compagnons ne reviendrait jamais à la source. 

(désolée s'il reste des coquilles...)

Nous avons reproduit la scène avec un éléphant tricoté ainsi qu'un lapin en laine. 
Ma fille a réalisé une peinture et a écrit sur plusieurs jours la fable (1e extrait). 
Nous avons également reproduit quelques extraits en arabe pour apprendre quelques mots en arabe. 

L'idéal : refaire la scène complète en arabe, avec les enfants qui jouent les différents personnages !