samedi 18 avril 2020

Un joyeux anniversaire : les 7 ans de notre enfant !



Salâm et Paix sur chacun de vous ! 


Cette semaine, nous avons fêté l’anniversaire de l’une de nos filles.
Sept ans ! Déjà …



Nous avons toujours pris plaisir à fêter les anniversaires de nos enfants. Il y a neuf ans, je préparais pour la première fois la petite couronne qui allait orner la tête de mon aînée.



Je sais que certaines familles font le choix de ne pas fêter les anniversaires. Et je peux les comprendre, car il peut arriver que cette fête particulière pour l’enfant se transforme en grand gâchis, surenchère, frustration et pour l’enfant de l’angoisse, ou pire. Et puis si fêter les anniversaires est une chose très répandue en Occident, cela n’est pas le cas partout, ni dans toutes les cultures.

Chez nous, les anniversaires sont assez simples. Nous célébrons non seulement la famille, mais bien plus encore. La célébration de la naissance de nos enfants devient un hommage à la Vie.  


Parmi les noms de Dieu Al-Mubdi’ (Celui qui instaure la Création), Al-Mu’îd (Celui qui renouvelle la Création), Al-Muhyî (Celui qui donne la vie), Al-Mumît (Celui qui donne la mort), Al-Hayyu Al-Qayyum (Le Vivant, L’Eternel Animateur de l’univers/l’Immuable)


Comme j’ai pu l’écrire dans un précédent article, nous n’avons pas de difficulté à parler de la mort à nos enfants, car celle-ci fait partie de la biographie de chaque être humain, au même titre que la naissance.
Nous les présentons à nos enfants d’une façon douce qui ne puisse pas heurter leur sensibilité. Je ne rentrerai pas dans les détails ici. Les enfants n’ont pas besoin d’être convaincus par le discours de l’adulte, finalement ils ressentent naturellement ces choses. Et j’imagine combien il peut être violent pour un enfant d’entendre que la Vie s’arrête sur du néant.



Quoiqu’il en soit, parler de naissance au printemps c’est forcément lier le récit à ce qui se vit dans la nature. La Vie est célébrée par le retour des hirondelles, les fleurs dans les près, la lumière plus vive et chaude … Le vivant est tout autour de nous et il est actif, nous ressentons aussi en nous cette vitalité retrouvée, cette force régénérée. Même si là, il faut le dire, avec le confinement… nous le percevons surtout depuis nos fenêtres … Mais les enfants ont l’incroyable capacité de se mettre au diapason des éléments !


Autre thème lié à la naissance, Ar-Rahmân appartient dans la langue arabe à la même racine RHM que le mot arabe désignant la matrice féminine-  l’utérus (E. Geoffroy). Certains traducteurs (A. Chouraqi) traduisent même ar-Rahmân ar-Rahîm par  le matriciant, le matriciel.

 

Mes enfants ont grandi avec des contes parlant du vivant, de la Mère Terre, de différentes façons, avec des mots et des noms différents, cela ne me dérange pas, et cela ne les a jamais troublés. 
Je peux comprendre que pour certaines familles, il y ait la crainte de voir l’enfant confus, perturbé. Il a pu m’arriver de commencer par une phrase du genre «  Voici une histoire que les anciens racontaient au printemps, quand autour d’eux la nature changeait, qu’en eux-mêmes ils ressentaient des choses nouvelles, …. », et s’il y a des questions à la fin je peux expliquer aux enfants ce que sont les fées du conte par ex, comment nous les appelons. Si on laisse de côté nos craintes d’adultes, nos propres doutes, questionnements, les enfants savent saisir les images des contes.

A mon sens, et ceci est très personnel -  je peux comprendre que pour certains cela puisse sembler étrange – ces contes offrent aux enfants (et pas que) l’occasion de ressentir quelque chose d’essentiel pour aller vers une compréhension plus consciente de certains phénomènes. Ainsi, au-delà des appellations, en grandissant, et en élargissant leurs connaissances, j’espère que mes enfants seront à même de bousculer les paradigmes. 



Ainsi, par ex, je n’apprends pas les noms de Dieu à mes enfants de façon formelle, je préfère qu’elles vivent/ressentent l’expression de ceux-ci à travers ce qu’elles peuvent observer et vivre, pour avoir ensuite une compréhension de ceux-ci.  


Ce sont ces images et ces sentiments que j’ai donc souhaité lier autour de la sourate al-Fatiha (l’Ouverture, les Sept récités/répétés, Mère du Qur’ân ..) qui me sert d’histoire cadre. Mes enfants ne vont pas à  « l’école arabe », ils ne reçoivent donc aucune instruction religieuse de ce type. Ce que nous leur transmettons demeure vivant, à travers notre vie familiale et communautaire (les prières collectives par ex). Ma grande qui fêtera ses 9 ans dans quelques jours entre dans une nouvelle phase qui verra les choses évoluer.








Les préparatifs
La veille au soir, après les invocations du soir, je récite une version personnelle d’un verset dédié aux anniversaires, tiré du livre de Monique Tedeschi, La Pédagogie Steiner-Waldorf à la maison, aux éditions La plage.


« Ce matin à mon réveil j’avais 6 ans bien sonnés,
De même qu’au moment du déjeuner, j’avais encore 6 ans bien sonnés,
Au goûter, 6 ans bien sonnés,
Au dîner, 6 ans bien sonnés,
Et ce soir, c’est avec mes 6 ans bien sonnés
Que je me mis au lit,

Mais cette nuit,
Quand tout le monde dormira et que je monterai avec les anges,
Toujours avec mes 6 ans bien sonnés,
Une chose merveilleuse se passera,
Et demain matin, in sha’Allah,
Mes 6 ans seront passés,
Je redescendrai pour cette 7e année ! »

Six bisous pour dire bonne nuit
Sept bisous pour dire Sabah al-Kheir !




Les préparatifs ont en réalité commencés depuis quelques jours.


Du plus petit au plus grand, tout le monde met la main à la pâte comme on dit. Tout le monde prend plaisir à réaliser quelque chose de ses mains. Un tissage, un tricot, la confection d’un carnet, d’une maison en bois … L’objet réalisé est le résultat d’une réflexion sur ce qui ferait plaisir, on mobilise ses compétences, de l’entraide s’organise, de la complicité … Il y a toujours un ou deux cadeaux achetés mais rien d’extravagant, et toujours utile : un couteau, une trottinette, un nouveau jeu … C’est donc la famille qui est célébrée, on honore la place de chacun, l’amour qui nous unit, la cellule familiale…










Sept ans, ce n’est pas tout à fait un anniversaire comme les autres. Dans la tradition musulmane, une parole présente l’enfance et l’éducation par tranche de sept années.

L’Imam ‘Alî ibn Abî Tâlib  a dit : « Ton enfant, joue avec lui pendant ses sept premières années ; puis éduque-le pendant les sept années qui suivent ; et fais-en un compagnon pour les sept années suivantes, puis laisse-le agir à sa guise. »

J’en ai déjà parlé dans un article sur le blog de Monique Tedeschi, Chant des fées.








Pour illustrer cette parole dans le cadre de l’anniversaire, le papa a préparé une chasse aux trésors pour cette chevaleresse/chevalière apprentie. Le salon est préparé avec la guirlande arc-en-ciel, lanternes, … les cadeaux que chacun a préparés ont tous été cachés. L’enfant couronnée est accueillie dans le salon, et reçoit sa mission. Les énigmes la conduisent aux différentes cachettes …




Le récit
Chaque année nous racontons l’histoire de notre enfant, nous adaptons le récit à l’enfant bien évidemment et chaque année, l’histoire évolue un peu.
Voici le texte préparé pour cette année. Bien évidemment le chiffre 7 revient plus ou moins comme trame de fond, l’histoire que je raconte à mes enfants porte certaines images qui font sens pour l’adulte qui la raconte mais qui ne sont pas présentées en détail à l’enfant. Cela fera sens plus tard…

Dans la tradition musulmane, le chiffre « 7 » renvoie à plusieurs choses (les sept circumambulations autour de la kaaba, les sept aller-retours entre Safa et Marwa, les sept cieux …). Pour l’anniversaire, nous reprendrons les 7 versets de la première sourate du Qur’ân, al-Fâtiha. Je ne ferai pas ici une présentation de cette sourate. Quoiqu’il en soit, elle revêt une grande importance, et très souvent, les enfants commencent leur apprentissage du Qur’ân par cette sourate.
Chez nous, elle est récitée chaque matin, chaque soir. Les enfants la connaissent donc par cœur, en arabe…

Préparatifs :
-          Un tissu au couleur de l’arc en ciel 
       Un plateau avec les fleurs de saison
-          Une grande bougie
-          7 bougies (une bougie par année)

La grande bougie est allumée, et l’enfant est assis en haut de l’arc-en-ciel qui est disposé en spiral, il descendra d’une couleur à chaque petite bougie allumée.



« Lorsqu’un couple souhaite recevoir un enfant, il commence par demander à Dieu de les couvrir de sa protection ainsi que leur futur enfant…

Mais l’histoire de S. ne débute pas à cet instant là. Son histoire naît avec celle de nous tous, voici comment tout commença …

Au début, il n’y avait que Dieu, rien que Lui, tel un trésor. Il voulu se faire connaître alors, Il Créa … et la Lumière fut ! (on craque la première bougie – l’enfant est sur le rouge)

Il Créa le trône, le Qalâm …. Et ordonna au Qalâm d’écrire. « Que dois-je écrire ? lui demanda le Qalâm
– Bismillah ar-Rahmân ar-Rahîm (verset 1 – couleur rouge)…

 Puis Dieu Créa le monde céleste et le monde terrestre, Il créa les anges et les créatures du ciel et de la terre. Ce monde était bon, il était beau. Pour prendre soin de sa création, Il Créa l’homme Adam (s) puis Hawa (r), et toutes les âmes de leurs descendants, et parmi ces âmes brillait celle de S. 
Et toute cette création vivait dans la louange de leur Créateur : al-hamdulillahi Rabbi (verset 2 – couleur orange 2e bougie)….

Puis sur terre, vint le temps pour une famille d’accueillir leur deuxième enfant. Alors la vie commença à se former dans le ventre de la maman, Dieu ordonna à l’ange de former une tête, des oreilles, des petites mains, petits pieds … les lunes passèrent l’ange fit de l’enfant une fille, qui aurait les yeux marrons, les cheveux foncés, …  puis vint le moment pour l’ange de recevoir l’âme de l’enfant ainsi que son livre, il déposa l’âme dans ce petit corps qui continuait de grandir. Elle entendait ses parents, sa grande sœur, sentait les caresses de ce monde doux et bon. (Ar-Rahmân ar-Rahîm … verset 3- couleur jaune 3e bougie)

Les lunes passèrent, au dehors, la nature s’éveillait.  Les arbres se couvraient de bourgeons, des petites fleurs sortaient de terre et des branches. Les oiseaux préparaient leur nid, puis couvaient leurs œufs, les lapines mirent au monde leurs lapereaux … Dans la maison, la petite famille se préparait aussi à l’arrivée de l’enfant. On nettoyait la maison, préparait les petits vêtements de laine, la toison d’agneau et le berceau … Puis, enfin, le (date de naissance), le bébé arriva. La petite fille reçu son nom, et découvrit sa famille, découvrit son corps qu’elle habiterait tant que Dieu le voudrait. (Verset  4 – couleur verte 4e bougie)

Très vite, la petite S. découvrit le monde qui l’entourait, sa main jouait avec la lumière, la laine, le bois, ses pieds … elle se découvrit une force, se retournait, soulevait la tête, le corps … Elle découvrit son corps et petit à petit toutes les choses qu’elle pouvait faire avec. Elle apprit à marcher, à courir, sauter, grimper … cette petite âme qui louait son Seigneur dans les cieux, découvrait à présent, et chaque jour, de nouvelles façons de faire de belles et de bonnes choses avec son corps, ses mains, ses pieds... Elle apprit à faire le pain, des gâteaux, à tisser, …. (Verset 5 – couleur bleue 5e bougie)

Elle allait désormais apprendre à écrire, à lire, à compter, et trouver son chemin sur cette terre, sans oublier qu’elle vient du ciel. (Verset 6 – couleur indigo 6e bougie)

Elle rencontrera bien des difficultés, une petite sœur qui l’embêtera, une grande sœur pas toujours rigolote, (autres détails sur la vie de l’enfant) … Mais S. porte une belle lumière, et celle-ci resplendit autour d’elle, sur ses proches, sa famille, ses amis … (verset 7 – couleur violette 7e bougie)

Souhaitons lui le meilleur pour cette année de plus et pour toute la vie : Amîne ! »

Puis l’enfant souffle ses bougies, nous chantons à l’arrivée du gâteau … et partageons ce joyeux goûter en famille.

Vous pouvez comprendre, à la lecture de ce récit, que pour les plus jeunes, je ne serais absolument pas gênée d'entendre un récit plus simple évoquant la descente de l'enfant sur un arc-en-ciel. Car celle-ci reviendra plus tard en écho à un récit comme celui que je propose dans cet article. 





Bien évidemment, il y a le plan sur le papier et ce qui se passe réellement ! Le récit a été interrompu à plusieurs reprises pour ajouter des détails, rigoler …  je souffrais d’une migraine depuis quelques jours alors la pénombre associée aux allumettes et bougies m’ont quelque peu perturbée dans la fluidité du discours … De même que certaines de nos bougies "coquilles d'oeuf" datent un peu, il m'a fallu plusieurs essais pour en allumer quelques unes ! 
Mais quoiqu’il en soit, une fois qu’on accepte ces aléas et que rien n’est parfait (sauf sur insta…) alors on profite du moment et on en garde de bons souvenirs.




Quelques conseils de lecture :


Je souhaiterai faire part de temps en temps de certaines lectures qui ont pu nourrir ma réflexion.
  • Rupert Sheldrake, L’âme de la nature, Albin Michel, 2001, 288 p.
  • Mohammad Taleb,
    •     L’écologie vue du sud - Pour un anticapitalisme éthique, culturel et spirituel, Sang de la terre-medial, 2014, 244 p. 
    •         Nature vivante et âme pacifiée, Arma Artis, 2014, 248 p.
    •     Sciences et archétypes : Fragments philosophiques pour un réenchantement du monde, hommage au professeur Gilbert Durand, Dervy, 2002, 426 p.


Je donnerai également quelques références en lien avec la pédagogie Waldorf. Comme j’ai pu l’expliquer dans un précédent article, cette pédagogie offre la méthode et les supports qui  correspondent à ma réflexion sur de nombreux points. Je m’en inspire tout en gardant ma liberté de mise en pratique.
  • Monique Tedeschi, La pédagogie Steiner-Waldorf à la maison, La Plage, 218, 317 p.
  • Kim John Payne, L’autorité bienveillante, Aethera, 2015, 358 p.
  • Freya Jaffke, Les fêtes et le petit enfant – vol. 2, Triades, 2004, 96 p.
  • L’Art de l’éducation, Les apprentissages fondamentaux dans les écoles Steiner-waldorf, Connaître et comprendre les hommes, Fédération des Ecoles Steiner-Waldorf en France, 2006, 143 p.